A côté de l’église Saint-Nicolas de Drogenbos, deux ifs enserrent un sentier pavé. L’envie me prend de passer sous le portique de leur feuillage très sombre, entre les deux bouquets évasés de branches. Le minuscule chemin ne mène qu’à une porte close surmontée d’une niche où loge une vierge blanche en posture éplorante, les plis de la robe rongés, granuleux. Que pensais-je découvrir ? Je reviens aussitôt sous l’arcade, si basse que je dois courber la tête; heurtées, les aiguilles me sont caresse légère, on est surpris d’une telle douceur. A me prosterner, je vois quelque chose: un gros caca humain posé en torsade sur la pelouse, derrière un des ifs. Je m’éloigne et commence à contourner l’église, intrigué je pénètre dans un pavillon de briques en ruines et à demi-calciné, sur les murs qui s’éboulent des croix gammées, des inscriptions sataniques moins contradictoires qu’elles en ont l’air: « vive le diable » ou « ici gît le diable »… Une force étrange, un besoin de sérénité m’entraîne à revenir dans le creux, entre les ifs dont on dit qu’ils firent il y a plus de cent ans le voyage d’un presbytère à l’autre, de Ruysbroek à Drogenbos, allez savoir pour quelle raison sérieuse ou quelle fantaisie de notable. Le regard va de l’excrément indiscret aux branches qui poussent au pied des arbres et s’étalent par terre, il glisse ensuite sur les murs gris doré de l’oratoire gothique baigné de soleil, puis s’évade dans l’air du printemps comme la poussière de pollen s’échappe des petites fleurs mâles globuleuses qui abondent sous les rameaux. Je recevrais une flopée d’infime grains jaunes dans l’oeil et la bouche, et puisque j’ai l’habitude de grommeler, quel juron, quelle parole dérisoire va cingler le va et vient de mon haleine ? Etant sans repos, sans jamais aboutir, il faut que je parte, que je déroge une fois de plus à l’espoir de comprendre comment dérision et gravité peuvent coexister dans le même instant. Je jette juste encore un regard en arrière vers les cimes asymétriques des ifs, celle de droite pointue, celle de gauche arrondie. (1984)